Visite du groupe scolaire Simone Veil à Rosny-sous-Bois, du biosourcé et de l'innovation low-tech !

Trois semaines après sa livraison, nous avons eu la chance chez Amoès de découvrir le groupe scolaire Simone Veil, situé à Rosny-sous-Bois, lors d’une visite proposée par Ekopolis. Ce projet exemplaire s’intègre dans une démarche Bâtiment Durable Francilien (BDF) avec une reconnaissance de niveau « Or », tant les solutions vertueuses mises en œuvre se sont multipliées pour sa conception et sa réalisation.

Tout d’abord, il convient de relever le processus de conception particulier qui a permis d’aboutir sur ce projet : les équipes de la Ville de Rosny intègrent toutes les compétences nécessaires à la conception d’un projet de construction neuve au sein de son département « Direction recherche et innovation » (dont l’objet, par définition, est bien d’innover sur les bâtiments, avant même de les construire !). Ainsi, en phase conception, seul le bureau de contrôle a donné lieu à une sélection pour venir en appui des équipes de la mairie le plus en amont possible, c'est-à-dire dès la phase esquisse. Le choix du contrôleur technique s’avère, dans ce type de démarche innovante, particulièrement important. En l’occurrence, la ville de Rosny a choisi un professionnel reconnu pour son expertise et sa proactivité sur les sujets en rapport avec les matériaux biosourcés.

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Il est notable que cette organisation a permis aux équipes de la ville de Rosny de mener à bien le projet dans de courts délais. En effet, alors que le programme leur a été transmis en juillet 2018, le permis de construire a été déposé début 2019, pour une livraison intialement prévue pour la rentrée 2020 (finalement décalée d'un an du fait de la pandémie).

D’un point de vue programmatique, la réalisation du groupe scolaire est découpée en deux phases pour, in fine, pouvoir accueillir 16 classes. La première phase, objet de la visite, a abouti à la création de 11 classes ainsi que de l’ensemble des locaux administratifs et d’usage collectif (RIE, salle de motricité, cours de récréation…). L’ensemble construit couvre une surface de plancher de 3883 m² avec un prix estimé à 3500 €/m². 

Lors de la visite, un premier constat saute aux yeux : les matériaux biosourcés sont omniprésents. Les murs, autoporteurs, sont un assemblage de caissons bois-paille préfabriqués. Ils ont la particularité de s’affranchir de pare-vapeur et de pare-pluie (pour éviter l'usage de matière issue de la pétrochimie) mais aussi d’OSB (pour éviter les colles). La paille est simplement enduite sur les deux faces par un enduit de corps en terre crue (provenant du projet Cycle Terre, pour valoriser les terres du Grand Paris) et doublé d’une fine couche d’enduit terre crue/plâtre. Il s’agit d’une mise en œuvre peu habituelle, mais qui suit les règles professionnelles du RFCP. Les bottes de paille (provenant de la ferme d’Egreville, à Saint-Germain Laxis) sont positionnées à plat, de sorte à fournir une épaisseur de 47cm d’isolant. Cette position est relativement inhabituelle en raison de la meilleure performance thermique théorique des bottes posées sur chant, en lien avec la directionnalité des fibres composant une botte. Les concepteurs ont ici choisi la position « à plat » car elle favorise l’accroche de l’enduit, mais nuancent également l'importance du facteur de parallélisme des fibres, enr éalité plus théorique que pratique.

Au sujet de la paille, les équipes de la ville nous ont indiqué une nouvelle perspective : le kernza. Il s'agit d'une céréale vivace, repoussant toute seule jusqu’à 6 années de suite, et qui possède des racines profondes réduisant son impact sur les sols. La ville de Rosny entend expérimenter ce type de paille en tant qu’isolant lors d’une prochaine construction.

Les façades présentent pour partie un bardage en bois brûlé. Cette technique permet de mettre en œuvre du bois déclassé (non naturellement durable, mais qui le devient par le procédé de brulage) en lui procurant une grande durée de vie. De surcroît, le brûlage a été réalisé à proximité du site, à Aubervilliers, et de manière artisanale.

La structure intérieure en bois  (poteaux - poutres) utilise des éléments de taille raisonnable, assemblés avec des connecteurs métalliques. Les éléments en bois sont essentiellement  en chêne et proviennent des environs de Rouen. Initialement, le marché formulait une demande plus précise, du feuillu mélangé d'Île-de-France, qui n’a pas pu être maintenue dans le cadre des discussions avec l’entreprise. Cet exemple, loin d’être isolé, illustre moins une disponibilité de ressource qu'une problématique de  filière dans la région : il s'agit bien d'un manque de scieries plutôt que de forêts, et une filière peu structurée pour fournir du bois d’œuvre.

A l'intérieur, les planchers sont composés de linoléum, liège, granulés de Fermacell, plaque OSB et tasseaux de bois  De l’isolant métisse (30 cm) s’ajoute dans le cas du plancher haut. Les cloisons quant à elles ne présentent pas de métal dans leur ossature : elles ont été mises en œuvre avec des plaques d’argile et de l’isolant Métisse. Cette solution est dépourvue d'avis technique en France, mais a été acceptée par analogie avec des solutions qui sont validées en Allemagne avec de la jute. Du liège est également utilisé pour l’acoustique.

Parmi les éléments d’aménagement extérieur, nous relevons également des préaux en bois vert issus d’une forêt francilienne et dont le débardage a été effectué à cheval, les jolis pavés en section de tronc d’arbre recouvrant une partie de la cour de récréation , ainsi que l’utilisation de grumes issu des bois de Vincennes en tant que mobilier extérieur. Du biosourcé à tous les niveaux, et avec une forte propension à l'innovation "low tech" !

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En parallèle, l’approche fluide se montre tout aussi ambitieuse avec la mise en place d’un système de ventilation double-flux naturelle. Chaque pièce a son entrée d’air en partie haute des châssis (triple-vitrage). L’air entrant  circule ensuite au travers de gaines et croise l’air sortant en faux plafond, provoquant un échange de chaleur, de l'ordre de 50% (l’échange n’étant pas à contre-courant), au travers d’un échangeur à plaques de 40 cm de haut, 1 mètre de long et 1 mètre de large. En complément, des panneaux rayonnant non calorifugés sur leur face supérieure sont placés le long des gaines d’entrée d’air, de sorte à le préchauffer. Notons également que ces gaines sont majoritairement composées de plâtre, afin de diminuer leur impact carbone. Bien sûr, l’air sortant est guidé jusqu’à des cheminées solaires se multipliant en toiture du bâtiment afin de provoquer le tirage thermique qui est le moteur du système de ventilation. Par ailleurs, la ventilation naturelle tout court est également favorisée, des protections fixes étant positionnées devant les châssis ouvrant pour permettre une ventilation nocturne.

A ce sujet, deux problématiques nous ont interpellé. Tout d’abord, la ventilation naturelle étant sujette aux aléas du vent, un contrôle relatif à ce dernier est nécessaire afin de maitriser les apports d’air neufs (source de déperditions en hiver). Pour s’affranchir de GTB, cette ventilation est  contrôlable manuellement (par bouton ON/OFF et gradation). Il sera donc essentiel de former et sensibiliser les enseignants à l’adaptation en fonction des conditions climatiques. Une sonde CO2 a été placée afin d’indiquer un éventuel dépassement du seuil de tolérance en cas de réduction de la ventilation.

Par ailleurs, cette ventilation naturelle n’incorpore pas de filtre assainissant la qualité de l’air entrant. Une analyse a posteriori  de la teneur en micropolluants de l’air intérieur sera ainsi utile pour évaluer la qualité de l'air intérieur, particulièrement importante dans un contexte scolaire. À ce propos, il convient de souligner les hautes exigences sur le mobilier, qui faisait partie du marché et a été attentivement suivi pour garantir des produits non-émissifs en COV.

Enfin, le bâtiment est raccordé au réseau de chaleur urbain, mais les équipes de la ville ont souhaité mettre en œuvre, par anticipation, la fumisterie permettant l’installation d’une chaufferie bois si ce choix s’avère à l’avenir le plus pertinent.

C'est donc encore une impressionnante réalisation dans la ville de Rosny-sous-Bois, un exemple à suivre en matière de mise en œuvre de matériaux biosourcés et dont les performances énergétiques seront à étudier à l’avenir, tant le système mis en place est innovant.