Un récupérateur de chaleur sur eaux grises au banc d'essai

Vous rendez-vous compte que nous chauffons l'eau de notre douche à grands renforts de technologie et de combustibles pour l'envoyer immédiatement à l’égout. Un gros gâchis que les systèmes de récupération de chaleur ambitionnent de limiter. Mais quelle est leur efficacité ? Nous avons équipé une maison individuelle d'un de ces systèmes puis équipé de capteurs ce même système pour en mesurer les performances. Un exercice riche d'enseignements. Résultats d'un test en site réel.

Configuration

Le système choisi est le Power Pipe du fabricant canadien RenewABILITY Energy. Il s'agit d'un échangeur de chaleur qui doit être installé à la verticale pour remplacer une section de la conduite d'évacuation des eaux grises. Il est constitué de 4 à 6 tubes de cuivre de section rectangulaire serpentant autour d'un tuyau de cuivre d'un diamètre variable : 50,8 mm, 76,2 mm ou 101,6 mm. Ce dispositif exploite la propriété naturelle de l'eau de s'écouler le long des parois d'une canalisation, permettant un échange thermique optimal. Ainsi une eau froide entrant à 9°C peut-être préchauffée jusqu'à une température de 25 °C, assure le fabricant, selon la longueur et le diamètre du Power Pipe.

Le récupérateur de chaleur que nous avons testé est le modèle Power Pipe R3-60 d'un diamètre de 76 mm pour une longueur de 152 cm. Il a été installé dans le garage situé juste sous la salle de bains de la maison et isolé par 60 mm de laine de bois. Il existe trois possibilités de raccorder le Power Pipe au système hydraulique : le raccordement de l'eau préchauffée directement au mitigeur de la douche, le raccordement au ballon d'eau chaude ou encore celui permettant de préchauffer à la fois le ballon et l'arrivée d'eau froide au mitigeur. C'est ce dernier type de schéma qui a été retenu dans la maison étudiée. « C'est la façon la plus efficace de récupérer la chaleur, explique un de nos ingénieurs, Vincent Coste, car le débit est toujours égal entre le puisage douche et l'eau préchauffée ».

Résultats d'analyses

Les mesures ont été effectuées sur des cycles de douche de 6 minutes en mars 2013, avec une eau froide arrivant à 8 °C. La température du garage, où se trouve le Power Pipe, est de 12 °C tandis que celle du logement à 20 °C. Le ballon d'eau chaude sanitaire est réglé pour livrer une eau autour de 39 °C au pommeau de la douche, le débit est également réglé pour être identique au niveau de la douche et de la sortie du récupérateur livrant l'eau froide préchauffée. Deux débits sont étudiés, 4 L/min correspondant à celui d'une douchette économe en eau et 8 L/min avec un pommeau normal.

Du fait du laps de temps dont ont besoin les matériaux pour se réchauffer (bac de douche, cloison, plomberie, etc.), le système présente un « régime transitoire » générant des pertes nettes de chaleur. Dans le cas où plusieurs personnes se succèdent sous la douche, ces pertes peuvent par contre être récupérées par les douches suivantes. Pour cette raison, les récupérateurs de chaleur sur eau grise sont plus pertinents en collectif, un gymnase par exemple, qu'en habitat individuel.

La phase transitoire dure environ 2 mn dans le récupérateur de chaleur, phase après laquelle l'eau froide (8 °C) ressort entre 18 °C et 20°C. Ce qui signifie qu'une personne prenant une douche longue permettra au système d'afficher un meilleur rendement, car le poids de cette phase transitoire sera moindre. Ceci n'est toutefois pas à recommander pour d'évidentes raisons de sobriété énergétique.

Le débit a peu d'influence sur la température arrivant au siphon. Une fois que la cabine de douche s'est réchauffée, l'eau sortant à 39-40 °C du pommeau de douche arrive au siphon à 33-35 °C avant d'être évacuée, soit un écart de 5 °C. En revanche, des mesures ont été effectuées à d’autres températures, pour constater un écart en régime stabilisé de 7°C pour une douche très chaude (41°C) et 3.5°C pour une douche « tiède » (37°C). Ce qui démontre qu'une personne prenant une douche moins chaude (37 °C) perdra moins de chaleur et améliorera le rendement du système.

Le rendement de récupération de chaleur mesuré tourne autour de 29 %, une fois déduites les pertes statiques et les pertes transitoires dans la douche, les conduites et le récupérateur. L'écart entre les rendements mesurés et les rendements théoriques calculés à partir de la documentation du fabricant (voir tableau ci-dessous) va  ainsi de près de 12 points pour un débit de 8 L/mn à 17 points pour un débit à 4 L/mn.

Enseignements

Plusieurs hypothèses permettent d'expliquer cette différence entre les données fabricants et les résultats in situ. Le fait que le récupérateur se situe dans le garage, un volume non chauffé, dégrade probablement ses performances, malgré l'isolant. Mais surtout, la configuration de la douche et de la salle de bains elle-même ont une influence déterminante sur les performances du système. Ici, le bac de douche est en grès, de dimensions 80 x 120 cm, et de faible pente (extra plat). Un bac en plastique ou composite présenterait un avantage certain, du strict point de vue thermique, car il permettrait de réduire les pertes de chaleur par conduction. De même, une pente plus forte réduirait le temps de séjour de l'eau dans le bac. Enfin, la douche est ici modérément cloisonnée, alors qu'une cabine de douche fermée comportant une véritable porte aurait permis de réduire les pertes de chaleur par évaporation. « Il est probable qu’une installation plus optimisée permette un rendement global de 7 % supérieur» , estime David Chénier, auteur de l'étude. Il est en outre essentiel d'installer un mitigeur thermostatique plutôt qu'un simple mitigeur. Ainsi au fur et à mesure que l'eau froide est préchauffée par le récupérateur de chaleur, ce mitigeur corrige le mélange automatiquement pour favoriser l'eau froide préchauffée. Enfin, une famille nombreuse aura intérêt à prendre ses douches à la queue-leu-leu afin de réduire l'impact de la période transitoire.

Cela étant, les mesures n'ont tout de même pas pu valider le rendement de l'échangeur seul communiqué par le fabricant. En théorie, il aurait dû être de 61,3% à 4 L/mn et de 55,4 % à 8 L/mn(1), alors que l'étude constate respectivement une efficacité 46 % à 4 L/mn et de 42 % à 8 L/mn. « L’efficacité du récupérateur semble un peu moins performante que prévu, relève avec prudence David Chénier, sans que l’on puisse juger ici s’il s’agit d’une mauvaise mise en œuvre, d’un encrassement ou d’une surévaluation de la performance théorique».

Un investissement rentable

«Même à 30 % de récupération d'énergie, ce type de système vaut le coup, relève Vincent Coste. Si on compare à un chauffe-eau solaire individuel ou un chauffe-eau thermodynamique, la récupération de chaleur affiche un bon ratio en terme de KWh économisés par euro investi. »

Le système présenté ici a coûté 810 €HT en mars 2011, sans frais d'installation puisqu'il a été posé par nos ingénieurs eux-mêmes. En un mot comme en cent, la récupération de chaleur devrait être obligatoire.

Coupler récupérateur et solaire

En avril dernier, nous avons publié une étude (2) qui comparaissait l'intérêt de cumuler les solutions pour chauffer l'eau sanitaire dans l'individuel comme dans l'habitat collectif. Dans l'individuel, un récupérateur de chaleur sur eau grise est complémentaire avec une chaudière gaz à condensation ou un ballon thermodynamique. Mais quelle est donc la pertinence de cumuler chaudière gaz à condensation, avec un chauffe-eau solaire et un récupérateur de chaleur par dessus le marché ? Malgré une certaine redondance en été, le cumul des systèmes reste économiquement pertinent à quelques précautions près. En été, le solaire suffit à produire la quasi-intégralité des besoins, le récupérateur de chaleur n'apporte pas grand chose. En revanche en hiver, quand le récupérateur de chaleur produit le plus, le solaire produit très peu. Pour tirer le meilleur parti de ce cumul, il convient de raccorder la sortie du récupérateur pour préchauffer l’eau froide de la douche (et non pas le ballon d'ECS). Il faut surtout éviter de raccorder le récupérateur de chaleur au ballon solaire car il y a une compétition très nette sur le préchauffage de l’eau : plus de la moitié de cette énergie de préchauffage est inutile. il est préférable de réduire la surface de capteurs solaires (1,8 m² pour la maison individuelle). On optera donc pour un "CESI Optimisé", c'est à-dire un panneau solaire de 1,78 m² avec un ballon de stockage de 110 L.

Tableau: Comparaison entre mesures et performances théoriques<?xml:namespace prefix =" ""o" />

 

Débit de 8 L/min

Débit de 4 L/min

 

 

Performance mesurée

Performance théorique

Performance mesurée

Performance théorique

Chaleur totale pour produire l’eau chaude (cycle de 6 min)

1 760 Wh

1 760 Wh

900 Wh

900 Wh

Chaleur récupérée sur le cycle de douche

506 Wh

725 Wh

265 Wh

410 Wh

% de récupération pour la douche

29,4 %

41,2 %

28,8 %

45,6 %

(1) Le rendement de l'échangeur a été calculé par interpolation linéaire à partir des rendements donnés par le fabricant pour le modèle de récupérateur testé (R3-60) : 59,8 % à 5 L/mn et 53,2 % à 9,5 L/mn. 

(2) Lire l'article « Simuler le cumul de solutions pour valider leur intérêt », Chaud Froid Performance n°777, avril 2014.

 

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Fabricant (Canada)

RenewABILITY Energy Inc

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