Pourquoi et comment rénover les bâtiments anciens ?

Cet article est un résumé du rapport rédigé par ENERTECH dans le cadre du projet RENAISSANCE : « Rénovation à basse consommation d’énergie des logements en France ». Télécharger le rapport en intégralité.

Au rythme de consommation actuel, dans 50 ans l’ensemble des réserves prouvées sera épuisé. Les conditions de l’équilibre en carbone sur Terre sont simples : 3 milliards de tonnes de carbone sont absorbés par les océans et les forêts, il y a 6 milliards d’habitants sur Terre… On a donc le droit de rejeter 0,5 tonne de carbone /an/personne. Cela signifie pour les pays riches de réduire par un facteur 4 leurs émissions de gaz à effet de serre actuelles et s’attaquer au plus vite à la rénovation des bâtiments avec une réglementation chiffrée.

Afin de répondre aux impératifs environnementaux, il faut atteindre en France une consommation moyenne de chauffage d’environ 50 kWh/m²/an. L’ensemble du parc ancien doit être rénové avant 2050. Notre course contre la montre est lancée et nous avons déjà du retard à rattraper.

Il faudrait rénover 417 000 logements « anciens » chaque année d’ici 2050 pour arriver à l’objectif fixé. Il se vend chaque année 469 000 logements « anciens ». Pour rénover d’ici 2050 l’ensemble du parc de logements anciens à 50 kWh/m²/an, il faut obligatoirement rénover TOUS les logements anciens (d’avant 1975) mis en vente chaque année d’ici 2050.Pour donner une bonne cohérence, il ne faut pas figer les règles en fonction du savoir faire actuel (énergie nucléaire pour produire de l’électricité par exemple) et des technologies disponibles à un instant donné. Dans tous les dispositifs règlementaires à venir, les consommations de chauffage ne doivent pas être exprimées en énergie finale mais en énergie primaire. Le raisonnement en énergie primaire ne doit en aucun cas être remis en cause.

Quelles solutions techniques ?

1.    Approche par simulation dynamiques

Si elles sont réalisées avec soin, aux moyens de données de qualité, les simulations dynamiques sont à l’heure actuelle la manière la plus exacte de prévoir le comportement thermique d’un bâtiment et de déterminer à la fois sa consommation annuelle et les températures intérieures, que ce soit en hiver ou en été. La simulation thermique dynamique permet de modifier nombreuses caractéristiques du bâtiment afin de multiplier les cas de figure et d’optimiser le bâtiment d’un point de vue énergétique et thermique. Ces caractéristiques sont les suivantes :

  • Planchers haut et bas
  • Murs extérieurs (résistance thermique)
  • Menuiseries et vitrages
  • Renouvellement d’air
  • Perméabilité à l’air de l’enveloppe
  •  Apports internes
  • Energie et technologie de chauffage

On constate que la nature des parois initiales d’un bâtiment n’a pas un impact sensible sur la performance thermique finale après rénovation. Il y a souvent peu d’intérêt à faire un diagnostic préalable sur un bâtiment existant et on peut passer en phase travaux sans étude préalable. La prescription est souvent indépendante et le résultat sera invariable en fonction de cette prescription.

Il faut se souvenir que 73% des logements anciens sont des  immeubles de moins de dix logements, et que 53% sont des logements individuels. Très clairement cela signifie que les professionnels les plus concernés seront, dans l’état actuel d’organisation, plutôt de petites entreprises ou des artisans. Et pour ces entreprises, l’idée de faire des calculs complexes a toujours été rejetée. Ceci est une réalité incontournable qui doit être prise en compte. En conséquence, la bonne approche sera forcément très simplifiée, afin de s’adapter à la réalité du terrain. Donc loin de complexifier l’approche, il va falloir la dépouiller.

2.    La solution universelle

Plutôt que de chercher chacun pour soi à atteindre un objectif individuel, pourquoi ne pas se dire que c’est à l’échelle du pays que l’objectif doit être globalement atteint, sans préoccupation du résultat individuel ?

La STU (Solution Thermique Universelle) consiste à adopter cinq dispositions obligatoires :

  • Ajouter aux murs et aux planchers une résistance thermique de 4,3 m²K/W
  • Ajouter en combles ou en toiture une résistance thermique de 7,5 m²K/W
  • Remplacer les menuiseries par des menuiseries en bois non renforcées munies de triple vitrage peu émissif avec argon (Uw<=1,1 W/m²C)
  • Mettre en œuvre une ventilation double flux avec récupérateur de chaleurd’efficacité minimum de 70%
  • Utiliser pour la production de chaleur soit une chaudière gaz à condensation, soit une chaudière fioul à haut rendement, soit une pompe à chaleur sur l’air extrait, soit évidemment une chaudière à bois à condition que son rendement soit supérieur à 70%

La STU est intéressante parce qu’elle simplifie tout le processus. En effet, elle n’impose pas des solutions ou des matériaux, mais seulement des résistances thermiques. Ce sont des dispositions simples, adaptées à la réalité du terrain. On passerait d’une obligation de résultats à une obligation de moyens. Tout processus fondé sur le calcul (et l’obligation de résultat) est voué à l’échec dans la France d’aujourd’hui, et cette évidence pour un homme de terrain doit impérativement être prise en compte dans toute décision de stratégie sur la rénovation du parc bâti.

Le contrôle sur chaque chantier serait extrêmement simple. Cette STU serait également très intéressante pour les banquiers qui pourront consentir un prêt sans risque. Enfin, l’identification claire des travaux élémentaires à exécuter lors de rénovation complète rend très simple la nature des interventions ponctuelles à effectuer lors de rénovation partielle (en cours d’occupation des locaux et non lors d’un cession).

La question spécifique du confort d’été doit quant à elle trouver une réponse dans le contrôle des apports solaires , la réduction des apports internes , la mise en œuvre d’une inertie importante et l’évacuation de la chaleur des structures pendant la nuit.

Coût et financement du programme

L’analyse des coûts montre que sur l’ensemble des solutions techniques étudiées, les coûts des travaux évoluent entre 125 et 250 € TTC/m². La solution technique universelle se situe quant à elle à 150 € TT/m² ( valeur juin 2004). Il paraît raisonnable de considérer qu’à l’automne 2007, pour la seule partie de la rénovation thermique, le coût des travaux de la STU est de l’ordre de 180 à 200 € TTC/m² habitable.

Quelle stratégie opérationnelle pour les différents acteurs ?

Avec 300 milliards de travaux sur 45 ans, et 100 000 emplois à la clé, le programme de rénovation est le plus gros projet industriel français actuel, celui qui va créer le plus d’emplois. Il mérite donc toute l’attention de l’Etat et de l’ensemble des partenaires économiques.

Le rôle de l’Etat est simple : c’est lui qui doit initier le processus en donnant un signal clair fixant la date de début de règlementation, et c’est lui qui prépare les français en les sensibilisant intelligemment afin qu’ils comprennent l’intérêt de la règlementation sur la rénovation et qu’ils acceptent cette loi. Ce programme de rénovation ne réussira que si toutes les forces en présence s’assemblent et tirent dans la même direction.

L’expérience allemande en matière de rénovation

L’Allemagne a commencé dès 1991 à travailler sur la construction de « Passivhaus » dont les besoins de chauffage ne doivent pas dépasser 15 kWh/m²/an. Il était donc assez légitime qu’après avoir maîtrisé la question des constructions neuves, les Allemands se préoccupent de la rénovation.

De façon assez discrète ils ont commencé à lancer de gros programmes de rénovation dès 2000. La démarche allemande est très structurée. Elle comprend deux volets bien identifiés :

  • Construire un savoir faire technique solide. C’est évidemment un préalable. Les allemands ont commencé à construire ce savoir faire avec les constructions neuves, puis ont adapté ce savoir à la rénovation en lançant de très gros programme « d’assainissement » selon l’expression consacrée chez eux. Parce que la rénovation ne pose pas que des problèmes techniques, mais aussi des problèmes de stratégie,
  • Développer un mode de financement original tant sur la collecte des fonds, que sur le mode d’attribution des financements