Logements collectifs sociaux à Montreuil, Un R+5 certifié passif et tout bois

La conception de cette opération de construction de 17 logements collectifs sociaux et locaux d'activité passifs R+5 tout bois se veut un projet du 21ème siècle exemplaire à plus d'un titre : coût maîtrisé, performance thermique et intégration urbaine. Ce projet a été présenté lors du Salon de la Maison Passive qui s’est tenu fin novembre à Paris. Sa description permet d’apprécier la démarche globale des acteurs sur l’enveloppe et les équipements.La réalisation de cet immeuble de dix-sept logements sociaux et de deux locaux d’activité en structure bois R+5 à Montreuil (93) rassemble des acteurs qualifiés. Aux architectes Stéphane Cochet et Bruno Garnier, d’A003architectes, et au bureau d’études Amoes - tous porteurs de la certification CEPH Designers – ont été associés le bureau d’études Structures S2T et l'économiste Joël Lot. Ce chantier est réalisé pour Osica, bailleur social du groupe SNI. A003architectes souligne l’exemplarité de cet ouvrage :- le coût de travaux maîtrisé et reproductible est de moins de 1 885 € HT/m2 pour un bâtiment collectif social, passif et entièrement en structure bois ;- la performance énergétique atteindra le niveau de consommation (Cep) de 50 kWhep/m2shonrt.an, plafond fixé par le Plan Climat Paris, ce sans recours aux énergies renouvelables et sur la base d’une optimisation des plans, de l'enveloppe et d’une efficacité des systèmes énergétiques ;- une garantie de résultat grâce à la construction passive. Le coût global du bâtiment a été maîtrisé, notamment sur les postes P1 (fourniture d’énergie), P2 (maintenance) et P3 (renouvellement programmé des équipements). Les charges en entretien et maintenance ont été limitées au strict minimum, sans intervention courante à prévoir en logement ;- une construction bois à R+5 (construction de moins de 28 m en 3ème famille A) basée sur les techniques traditionnelles en ossature bois,- une approche globale intégrant les questions urbaines, d'adaptation au changement climatique, d'approche de type «analyse de cycle de vie» (ACV) du bâtiment, de valorisation de la biodiversité et des usages partagés.Détail d'un projet ambitieux à coûts maîtrisés...

Une organisation rationnelle

À noter que ce projet se distingue par une organisation spécifique des équipes : une équipe de concepteurs qui rassemble les architectes, les bureaux d’études et l’économiste, et une équipe de construction sous six macro-lots (gros œuvre VRD, clos-couvert en structure bois, doublage et second œuvre, CVC, électricité, et ascenseur).

L’équipe de maîtrise d’œuvre se distingue par sa culture partagée de la conception passive, de la construction bois et de la connaissance des contrain-tes du logement social. Une expérience qui l’a conduite à l'organisation des logements autour d'une seule gaine technique, à l'intégration de la ventilation double flux dans les plans, et au choix de solutions techniques centralisées.

La démarche s’est traduite, en phase d’études, par un dialogue entre intervenants (structure, acoustique, gestion des ponts thermiques, systèmes, économie du projet, normes «personnes à mobilité réduite» (PMR), règles incendie, logique architecturale...). Il a permis de croiser les choix avec les normes et objectifs de certifications : bâtiment passif, marquage par le Cerqual, réponse à la RT 2012, affichage du label bâtiment bio-sourcé.

Le site de construction est situé en centre-ville, dans un tissu «faubourien» au bâti divers et très hétérogène - entrepôt, ateliers, maison de ville, immeubles... La construction repose sur deux parcelles remembrées. Les architectes respectent cette trame en distinguant le bâtiment en deux parties.

L’architecture est volontairement sobre : des façades aux ouvertures alignées, avec une façade principale au sud plus noble – ce sont les séjours -, une façade arrière plus simple, une cage d'escalier éclairée naturellement (les paliers distribuent 3 à 4 logements par niveau), un passage cocher ouvert sur le jardin (60 m2) depuis la rue, l'alignement des rez-de-chaussée sur les avoisinants, l’implantation de deux locaux d’activité au rez-de-chaussée, un local vélo. Il n'y a pas de parking. Un local technique, au dernier niveau, accueille la centrale de ventilation à l’aplomb de la gaine. Les 17 logements sont répartis entre sept T1, quatre T2, quatre 4 T3, un T4 et un T5.

L’enveloppe chauffée

Les locaux d'activité, les logements, le hall, la cage d'escalier et la cage de l'ascenseur sont intégrés à l'enveloppe chauffée. Les locaux «ordures ménagères», «encombrants» et la mini-chaufferie sont situés en dehors de l'enveloppe. Les accès à ces locaux se font indépendamment du hall par le porche. Cette conception réduit les équipements en portes du niveau passif à 4 unités seulement, dont 3 pour les bureaux.

Les parties communes sont composées d’un hall vitré qui s'ouvre sur le passage «cocher». Les escaliers profitent de la lumière naturelle et les portes coupe-feu (CF 30) d’accès aux paliers sont vitrées pour les éclairer en second jour et sécuriser les circulations verticales et horizontales.

Les paliers intègrent l'ensemble des gaines techniques communes de l'immeuble dont le réseau de VMC double flux et l’unique bouclage d’eau chaude (de chauffage). Les piquages vers les logements se font en plafonds surbaissés à 2,30 m (hauteur sous plafond).

En parties privatives, les logements sont tous traversants, hormis pour les T1 orientés au sud. Ils sont tous organisés autour d'une seule gaine technique. Les circulations intérieures ont une hauteur de plafond surbaissée à 2,30 m et intègrent les conduites de distribution de la VMC et du chauffage.

Les pièces sur la façade sud sont équipées de volets coulissants ; les chambres, en façade nord, en sont dépourvues. Les rapports surfaces vitrées sur surfaces habitables sont supérieurs à 20 % en clair de vitrage.

Un système constructif bois

Hormis la dalle de fondation, les escaliers en béton préfabriqué et la cage d'ascenseur sur pylône acier, le bâtiment est entièrement conçu en filière sèche et en préfabrication bois. La durée prévisionnelle de chantier est de douze mois.

La structure du bâtiment est en ossature bois de sections 200 x 45 mm en élévation, avec planchers à double solivage. Ce choix de cette structure, plutôt qu'un CLT (Cross laminated timber, poutres lamellées collées), permet d'optimiser le volume de bois utilisé dans la cons-

truction, ainsi que le rapport enveloppe/ isolation, tout en préservant la ressource et les approvisionnements. En outre, cette solution limite le bois d'importation (le CLT est principalement produit en Allemagne, en Autriche ou en Finlande) et est adaptée aux entreprises de construction bois françaises. Elle offre aussi l'avantage d'être moins traitée (il n’y a pas de colle) et donc plus recyclable dans le cadre de la déconstruction future des bâtiments.

La toiture est traitée en toiture-terrasse non accessible étanchée avec une membrane synthétique en polyoléfine souple (FPO) à haut pouvoir de réflectance solaire (supérieur à 95 %) pour produire un effet albédo. Les balcons rapportés sont en structure métallique. La façade est équipée de bardage en bois prégrisaillé M2 au sud et au rez-de-chaussée, M3 sur les autres faces.

Le niveau de déperdition moyen (Ubat) de l’enveloppe bâtie est de 0,278 W/m2K, avec un niveau des parois opaques (Up moyen) de 0,138 W/m2K (R = 7,25 m2K/W).

De l'intérieur vers l'extérieur, ces parois se composent de :

De l'intérieur vers l'extérieur, ces parois se composent de :

- deux BA13 d’un niveau coupe-feu CF 60,

- un vide technique de 50 mm,

- un frein vapeur de type Vario,

- 200 mm de laine de verre de type Ecose,

- 55 mm de laine de roche semi-rigide,

- un pare-pluie,

- 27 mm de lame d'air ventilée,

- un bardage de 21 mm.

Les menuiseries extérieures sont des menuiseries à simple vantail en bois aux montants de 90 mm, équipées de triple vitrage. Elles présentent un Uw moyen inférieur à 0,85 W/m2.K. Les dormants sont recouverts par l’isolation thermique par l’extérieur. Les occultations sont constituées de volets bois à claustra coulissants reprenant le dessin du bardage en façade.

Ponts thermiques et étanchéité à l’air

Le traitement global de l'enveloppe avec une isolation extérieure rapportée en laine de roche de 50 mm (selon la règle de sécurité incendie IT 249) a pour effet d’optimiser tous les ponts thermiques d'ossature. Notamment, il renforce les assemblages dans les angles et au droit des menuiseries. Par ailleurs, cette conception permet de résoudre ces ponts thermiques ponctuellement et de manière précise, à la différence des assemblages linéaires de balcons ou de fondations.

L'étanchéité à l'air du bâtiment tient compte de tous les volumes chauffés logements et bureaux -, ainsi que des circulations horizontales et verticales. La cage d'ascenseur y est aussi intégrée en raison de sa ventilation par la centrale double flux.

Un carnet de détail délimite les enveloppes, les points spécifiques et les raccords d'étanchéité. La membrane pare- vapeur assure la continuité de l'étanchéité à l'air ; elle est placée à plus de 7 cm du nu intérieur des parois.

Quant à l’acoustique, sa gestion est assurée par une conception des assemblages selon le principe classique «masse-ressort-masse» : double mur ossature en séparatifs logement, planchers à double solivage, chapes sèches Fermacell sur laine de bois, alignement des gaines techniques, alignement des refends entre logements superposés.

Le niveau d'isolement acoustique requis sur le soufflage en pièce de nuit dans les logements est de 25 dB(A) à vitesse constante. Un niveau plus exigeant que les 30 dB(A) de la réglementation acoustique (NRA).

Une campagne de mesure est prévue à la livraison du chantier dans le cadre de la certification Cerqual. Les résultats participeront à l'enrichissement des référentiels Acoubois, qui permettront à l’avenir de normaliser les systèmes constructifs.

Des installations techniques collectives simples

Le bâtiment comprend les installations techniques suivantes :

- une ventilation double flux collective centralisée avec récupération de chaleur ;

- une chaudière gaz à condensation murale collective de 24 kW, pour le chauffage et l’ECS ;

- une distribution de chaleur constituée par une seule boucle d’eau chaude fournissant dans chaque logement à la fois le chauffage et la production d’ECS individuelle ;

- des ballons individuels d’ECS, munis d’un serpentin hydraulique irrigué par le réseau de chauffage.

À ces équipements classiques s’ajoutent aussi :

- un récupérateur statique de chaleur disposé au droit des douches ou baignoires. La sortie d’eau préchauffée sanitaire est raccordée, d’une part, à l’arrivée d’eau du ballon individuel d’ECS, et d’autre part,à la conduite d’arrivée d’eau froide du mitigeur de douche ;

- une émission de chauffage par batterie chaude sur le soufflage du réseau de ventilation de chaque logement, et par un sèche-serviette hydraulique dans la salle de bains ;

- une régulation terminale par vanne électrothermique et thermostat d’ambiance pour la batterie, et par un robinet thermostatique pour le sèche-serviette.

Un circuit ECS sans bouclage

Les besoins de chauffage et d’ECS étant réduits au minimum par une enveloppe thermique performante et des réducteurs de débits sur les points de puisage, le BET s’est attaqué aux pertes de distribution de chaleur.

L’une des décisions principales sur cette installation est la suppression du réseau bouclé d’ECS. En effet, dans un bâtiment passif de logements collectifs, les pertes de bouclage peuvent représenter entre 20 et 50 % des consommations d’ECS, soit 7 à 15 kWhep/m2.an, et ce malgré un super-calorifugeage du réseau de distribution-bouclage. Supprimer le réseau bouclé d’ECS revient à relocaliser la production d’ECS dans les logements. Plusieurs solutions ont été étudiées :

- des chauffe-eau individuels gaz avec microballons : elle oblige à souscrire un abonnement gaz individuel, ce qui est rédhibitoire en termes de charges pour les habitants ;

- des échangeurs instantanés ECS - ou sous-station individuelle - à l’entrée de chaque logement : le coût d’investissement s’est avéré discutable, et la puissance de chaudière alors nécessaire est rédhibitoire (171 kW, ce malgré le coefficient de simultanéité) ;

- des ballons ECS individuels munis d’un échangeur par serpentin hydraulique raccordé au réseau de chauffage du logement - sans kit individuel hydraulique, car onéreux : cette solution a été retenue.

Premier défi après ce choix : trouver le produit, avec des tailles de ballons adaptées. Le seul identifié est le réchauffeur Styx, disponible en quatre volumes, de 80 à 200 l.

Ces ballons individuels sont en général insuffisamment isolés. Leur constante de refroidissement est de 0,25 Wh/l.K/j. Pour améliorer cette caractéristique, des jaquettes complémentaires d’une épaisseur de 50 mm, produites sur mesure, seront mises en place (le fabricant Airisol les propose pour 60 € HT). La régulation de la production ECS est assurée par un thermostat à immersion qui pilote une vanne électrothermique sur le circuit de chauffage.

Les avantages de ce choix sont multiples. En supprimant le réseau bouclé d’ECS, environ 10 kWhep/m2sre.an de consommations sont évités. On s’affranchit aussi d’un dessin de réseau bouclé qui – lutte contre les légionnelles oblige – respecterait l’objectif d’un «volume en réseau d’alimentation» inférieur à 3 l jusqu’aux points de puisage.

Enfin, avec les ballons individuels d’ECS, on évite également les risques et les exigences liés au traitement antilégionelle : de moins de 400 l, les ballons échappent à la contrainte sur la température de stockage.

Par certains aspects, cette solution montre peu de différences par rapport à un système de production centralisée de l’ECS (ballon collectif de stockage et réseau bouclé) et une production par ballons individuels hydrauliques :

- les pertes de stockage sont du même ordre de grandeur : bien que le volume de stockage total des ballons individuels soit presque deux fois plus important que celui d’un ballon collectif, les pertes restent sensiblement les mêmes du fait d’une température de stockage plus faible (45 à 50 °C), d’une surisolation et d’une valorisation des pertes comme apports internes dans les logements en hiver (45 % selon la méthode PHPP),

- les apports internes en été, qui affectent le confort estival, sont aussi sensiblement les mêmes, de l’ordre de 0,82 W/m2, qu’il s’agisse d’un bouclage ECS (dans les parties communes) ou des pertes par les ballons individuels (0,60 W/m2 dans les logements), par la boucle de chaleur (0,14 W/m2, 4 h par jour) ou par le refroidissement de la boucle de chaleur (deux fois par jour, moyennée à 0,08 W/m2).

Il faut pourtant mentionner quelques inconvénients. Notamment, il n’est pas possible de mettre en place une loi d’eau : la température doit être constante pour assurer la production d’ECS toute l’année. Toutefois, ce point est moins gênant dans un bâtiment passif, pour lequel une loi d’eau n’est pas nécessaire ou avec une pente très faible.

Réduire les charges

Si cette conception repose sur des équipements simples et à haute efficacité énergétique, Amoes pose un bémol sur l’option des ballons individuels hydrauliques. Peu courants, ils nécessitent un emplacement dédié dans le logement (un module de cuisine de 600 × 600 mm au sol, sur toute la hauteur de la pièce). Les thermiciens soulignent pourtant la simplification de la maintenance. Le contrat sera à adapter à la petite taille des équipements. Pour l’alléger et éviter aussi d’intervenir dans les logements, un système anti-tartre (galvanique) est prévu sur l’eau froide. Par ailleurs, concernant l’installation de VMC double flux, l’idée de former le gardien au remplacement des filtres a été avancée.

Les performances calculées

Les niveaux de consommations calculées atteignent, sans recours à une production d’énergie renouvelable :

- selon le calcul PHPP : 102 kWhep/ m2sre.an, dont 64,5 kWhep/m2sre.an pour les usages conventionnels RT (ou 47,6 kWhep/m2shonrt.an),

- pour la RT 2012 : 52,6 kWhep/m2 shonrt.an (titre V RT 2012 sur le récupérateur statique et sur la boucle unique d’eau chaude).

Une installation de panneaux photovoltaïques de 150 m2 permettrait d’atteindre le niveau Bepos RT. Ce projet primé par le dispositif Prebat d’Île-de-France (lauréat Bepas/Bepos 2013) va être évalué par mesure détaillée au niveau des consommations énergétiques poste par poste pendant trois ans avec l’agence locale de l'énergie de Montreuil (MVE). Les usagers seront accompagnés, via un carnet d'usage qui porte notamment sur la préservation de l'étanchéité à l'air, la spécificité de la construction bois (cloisons...), le confort d'été et la maîtrise des consommations domestiques.

Une conception environnementale globale

Eco-conçu, ce bâtiment devrait porter le label Bâtiment Bio-sourcé niveau 1. Le référentiel porte sur la structure bois et l’utilisation de fibre de bois (ici en chape sèche). Il prend aussi en compte les matériaux issus de la filière de recyclage comme la laine de verre (60 à 80 % verre recyclé) et les plaques de sols (20 à 30 % papier recyclé). Le volume total de bois utilisé dans la construction est de 275 m3, soit 202 dm3/m2SHON. Il permet de stocker 47,246 teq.CO2 pour une durée de vie typique (DVT) de cinquante ans. Cependant, l’exploitation de matériaux dits «biosourcés» (fibre de bois, ouate de cellulose, lin-chanvre...) n'a pas été possible sur ce projet, principalement pour des questions de réglementation incendie : les isolants dits biosourcés sont généralement de classe E.

Le bilan carbone révèle les avantages du mode constructif bois : le poids en CO2 de la construction est négligeable (1 %) face au poids des émissions CO2 liées aux usages du bâtiment – habituellement, la répartition est plutôt de l'ordre de 35 %/65 % dans un bâtiment passif comportant du béton pour un bâtiment passif en matériaux à fort contenu en énergie grise.

Toutefois, le bilan carbone ne prend en compte que les émissions liées aux matériaux de l’enveloppe selon les fiches de déclaration environnementales et sanitaires (FDES). Il manque les émissions de carbone liées aux travaux des installations techniques, à la réalisation du chantier et au déplacement des usagers (voir le tableau).

La construction de ce bâtiment intègre une stratégie de confort d’été et d’adaptation au dérèglement climatique. Sa particularité est une très faible inertie : sa capacité thermique surfacique est de 60 Wh/m2K. Sur ce bâtiment, la stratégie de confort d’été associe la conception traversante des logements, les menuiseries oscillo-battantes, les volets coulissants à occultation totale, la toiture-terrasse revêtue d’une membrane à haut pouvoir de réflectance solaire, une végétalisation de la façade nord et des jardins permettant l’évapo-transpiration et la lutte contre les îlots de chaleur.

Deux études ont été menées. En premier lieu, pour consolider l’évaluation du confort d’été, le calcul PHPP (Passive house planning package) a été transposé sur la base météo de Toulouse : les objectifs de confort d'été (T°C > 28 °C < 24 h suivant courbe de Bragger) restent atteignables avec un taux de surventilation naturelle un peu plus important la nuit et un taux d’occultation plus élevé en journée.

Une autre étude de sensibilité a consisté à augmenter les apports internes de 2,1 W/m2 selon les hypothèses PHPP, ce d’après les campagnes de mesures françaises ou d’Enertech. On constate que le confort d’été est dégradé à des niveaux que l’on observe habituellement dans les études de simulation thermique dynamique.

Ces études ont mis en évidence que le confort d’été ne peut être garanti sans un comportement adapté et hypersobre des occupants :

- les apports internes de 2,1 W/m2 sont faibles, ils correspondent à l’utilisation de matériels électrodomestiques de taille raisonnable (écrans...), très performants et dont les veilles sont systématiquement éteintes. Cet objectif de 2,1 W/m2 est cohérent avec les consommations finales attendues de 40 kWhep/m2sre.an, nécessaires au respect de l’objectif du label passif (120 kWhep/m2sre.an) ;

- un accompagnement des locataires sur les questions de confort d'été est prévu : occultations le jour, ouverture des fenêtres la nuit.

Les apprentissages en conception

Cet ouvrage prototype a été l’occasion de nombreux apprentissages pour les concepteurs, Amoes et A003Architectes.

- Pour ce qui concerne la réglementation incendie, Amoes pensait pouvoir placer la CTA double flux et la chaudière dans le même local. Cela avait été possible sur une autre opération certifiée Bépas (la crèche du Moulin de Beauté à Nogent-sur-Marne). Mais dans le cadre d’un bâtiment d’habitation, le cahier des charges «mini-chaufferies» s’applique et interdit d’installer la centrale de ventilation dans le local de la mini-chaufferie.

- La chaudière gaz murale est placée dans un placard technique. Le placard, qui se trouve dans le local entretien, est sorti du volume chauffé, sans quoi l’exigence réglementaire de ventilation naturelle basse aurait «percé» l’étanchéité à l’air.

- L’étanchéité à l’air de la cage d’ascenseur. Faisant partie du volume chauffé, elle doit être rendue étanche à l’air, tout en respectant l’exigence de ventilation (normes NF-EN 81-1 et NF-EN 82-2, § 5.2.3). Plutôt qu’installer un clapet de ventilation en haut de gaine, il a été possible de prévoir une bouche d’extraction raccordée à l’installation de ventilation double flux (solution admise par la Fédération ascenseurs, en 2012). L’air est insufflé à chaque étage par une bouche de soufflage dans les circulations communes.

- Test d’étanchéité à l’air et étanchéité à l’air entre logements. Comme toute opération passive, la conception a visé à définir une barrière étanche à l’air globale, cohérente avec l’enveloppe thermique (en incluant notamment dans le volume étanche à l’air la cage d’ascenseur), sans pour autant assurer l’étanchéité à l’air entre logements.

Dans le cas de la certification passive, l’étanchéité à l’air entre logements n’est pas un critère puisque le test d’étanchéité à l’air est effectué sur l’ensemble du bâtiment. En revanche, on sait que dans le cadre de la RT 2012, la pratique est de conduire des tests sur un échantillon de logements, pour lesquels l’étanchéité entre logements devient donc «impactante». Mais il est bon de savoir qu’ «il est toujours possible de choisir de mesurer le bâtiment dans son ensemble plutôt que par échantillonnage» [CEREMA, 2014], même si «cette mesure peut s’avérer pénalisante si le bâtiment comporte un ascenseur, une gaine gaz et/ou un parking» [GA P50-784]. Conclusion : un test d’étanchéité à l’air sur l’ensemble du bâtiment satisfait la RT 2012 et les certifications Cerqual. Et les objectifs à respecter de la RT 2012 sur l’étanchéité ne visent donc absolument pas à prendre en compte et traiter les infiltrations des cages d’ascenseur, des parties communes, etc.

- Menuiseries à châssis renforcé. À première vue, le châssis renforcé (avec une isolation en mousse) semblait pouvoir améliorer le Uw des menuiseries, grâce à un Uf (cadre) plus faible (de l’ordre de 1 W/m2.K contre 1,16 W/m2.K pour une version non isolée), et des ponts thermiques d’intercalaires également plus faibles (0,027 W/m.K contre 0,037 W/m.K). Dans le détail, il s’avère que non : le cadre d’une menuiserie à châssis renforcé est légèrement plus déperditif du fait de sa largeur plus importante (15 cm contre 12 cm). Et cela sans compter les apports solaires qui sont réduits du fait d’un clair de vitrage plus faible (dormants plus larges).

- CTA double flux certifiée de marque française. Sur les stands de Passibat 2013, Amoes avait découvert AirXpert, fabricant français de CTA double flux, dont un modèle est certifié passif (RTV3400). Le modèle adapté à l’opération (RTV2600) n’est pas certifié. Il convient donc d’estimer l’efficacité d’échange selon deux méthodes valables pour la maison passive :

-  se baser sur la machine testée certifiée, par translation entre les plages de débit de chaque machine : l’efficacité obtenue est de 81,3 % ;

- utiliser la méthode la plus défavorable, qui consiste à retrancher 12 % du rendement NF/DIBT, soit une efficacité obtenue de 79,6 %.

Amoes a proposé d’autres méthodes avec lesquelles les efficacités obtenues sont bien meilleures, mais qui ne peuvent pas être acceptées pour le calcul :

1. calcul d’un coefficient réducteur entre la valeur du PHI et la valeur Eurovent de la machine certifiée, pour l’appliquer à la nouvelle machine, ce qui conduit à une efficacité de 87,9 % ;

2. prise en compte de valeurs mesurées sur la machine souhaitée lors d’une campagne de mesure d’un bâtiment en exploitation : efficacité entre 84 et 88 %.

Ainsi, le modèle AirXpert n’a pas pu être retenu car son efficacité au regard du calcul PHPP était moins bonne que celle du modèle du fabricant concurrent. Par ailleurs, les besoins de chauffage atteignaient déjà 14,8 kWh/m2sre. Si le produit devait être finalement certifié, on s’attend à pouvoir réduire les besoins de chauffage de 1,1 kWh/m2sre.

Pour quels coûts de construction ?

Cette construction atteint 1 885 € HT/m2 (Shab + SU). Un montant qui ne comprend pas les coûts de parkings (absents de l’opération), ni ceux de la démolition et du désamiantage.

Il est possible de porter plus précisément l’accent sur les deux particularités de ce chantier : le coût de la boucle unique d’eau chaude, avec ses ballons individuels hydrauliques, et celui avec kit individuel hydraulique.

- Le premier s’apprécie par comparaison à une installation de production centralisée d’ECS (avec ballon collectif de stockage et réseau bouclé). Le surinvestissement de cette «boucle unique de chaleur avec ballons individuels hydrauliques» est de 1 000 € HT par logement. Mais il faudrait retrancher le coût évité de la surface d’un local technique...

- Dans le second cas, le principe d’une boucle unique d’eau chaude est couramment associé à l’utilisation d’un kit hydraulique individuel à l’entrée de chaque logement, couplé à un ballon individuel ECS. Son avantage est de bénéficier d’une vanne trois voies donnant la priorité à la production d’ECS devant le chauffage. Mais les faibles puissances de chauffage en bâtiments passifs, et les faibles puissances d’ECS en semi-accumulation, s’avèrent - de très loin - moins onéreuses. Ce, même s’il faut opter pour une chaudière un peu plus puissante. L’abandon de ces kits a un impact économique de 1 000 à 1 600 € HT par logement.

Un récupérateur d’énergie sur les eaux grises pour améliorer les rendements

Sur ce bâtiment, Amoes a simplifié au maximum l’installation thermique. La chaudière installée est d’une puissance généralement admise pour un seul logement, mais l’installation complète – notamment la conception du circuit de distribution d’eau chaude – vient pallier ce dimensionnement.

Si les équipements solaires n’ont pas été retenus, en revanche, le choix s’est porté sur le récupérateur de calories Recoh-Vert du néerlandais Gaïa-Green. Cet équipement disponible en hauteur utile de 1,2 m, 1,6 m et 2,1 m reçoit les eaux en sortie de douche. La double peau en cuivre permet d’échanger la chaleur – de l’ordre d’une trentaine de degrés – et de rehausser le niveau de température de l’eau froide. Elle arrive au mitigeur à une température proche de 30 °C et permet ainsi d’économiser l’eau chaude sanitaire produite par la chaudière.